Dissertation

 

Corrigé

 

La diversité des langues est-elle un obstacle à l’entente entre les peuples ?

 


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I - LES TERMES DU SUJET

A - LANGUES

Système de communication et d'échange propre à une culture, une nation, avec une grammaire, une syntaxe, un vocabulaire spécifiques. La diversité des langues doit tout de suite conduire à prendre en compte l'unité et l'universalité du langage - mode humain de communication et de ses fonctions.

B - L'ENTENTE

C'est un terme vague : entente ne signifie ni simplement communication ni, de manière plus positive, concorde. Il faut " entendre " les deux sens du terme : s'entendre, c'est communiquer mais aussi partager, s'accorder, se comprendre. Ainsi on peut communiquer sans pour autant se comprendre et s'accorder.

Enfin, un obstacle n'est pas une barrière, c'est-à-dire qu'il appelle un dépassement ou, si l'on préfère, il ne désigne pas une stricte impossibilité de fait.

II - L'ANALYSE DU PROBLEME

Partons de ce simple constat : la diversité des langues n'empêche pas les peuples de contracter, de s'associer, de commercer, de collaborer. Elle n'est donc pas, à l'évidence, un obstacle ou alors les peuples ont appris à le surmonter.

Néanmoins, cela va-t-il beaucoup plus loin qu'une simple entente ? Conflits, litiges, contentieux sont fréquents.
Est-ce donc un effet de la diversité des langues ? Si oui, faudrait-il penser à la supprimer ? Est-ce même pensable ?

III - UNE DEMARCHE POSSIBLE

A - LE CONSTAT DE L'EXPERIENCE

De fait, la diversité des langues n'est pas un obstacle radical à l'entente. C'est une évidence : les langues s'enseignent et s'apprennent ! Elle n'empêche pas les peuples et les nations de commercer, d'élaborer des politiques économiques, sociales, culturelles, etc, communes. (voir l'exemple de l'Union Européenne).

Ainsi, par-delà la diversité des langues, une fonction unique se manifeste-t-elle : la fonction linguistique associant signes et concepts de façon conventionnelle et arbitraire. Cette fonction linguistique et symbolique constitue donc un trait caractéristique de l'humain.

A terme, pourrait alors s'imposer le rêve ou l'idéal d'une langue unique, supprimant définitivement l'obstacle. Ce fut le rêve des inventeurs de l'espéranto, et selon la légende biblique, celui des constructeurs de la Tour de Babel.

B - LA SIGNIFICATION DE L'ENTENTE

On s'entend - au moins, on le peut -, on communique. Mais se comprend-on ?
Evidence contraire à celle de la première partie : on communique souvent sans pouvoir pénétrer les subtilités de telle ou telle culture et la langue de la communication, des échanges ou des contrats ne nous rapproche pas toujours suffisamment de nos interlocuteurs.

C'est qu'autre chose se joue dans la langue qu'une simple fonction générique - ce que nous avons nommé plus haut fonction linguistique : il s'y joue aussi le rapport avec une culture, une vision du monde, des valeurs.
La linguistique a bien montré (on résume cette idée sous le nom de deux linguistes Sapir et Whorf) que la langue modèle et construit notre rapport au monde : on pense comme on parle.

Il faut donc prendre au sérieux l'obstacle et sous les conflits de mots, il faut savoir saisir les conflits de choses ou d'intérêts.
D'autre part, la conscience juste de l'obstacle est peut-être moins une menace qu'un espoir.

C - UN DEPASSEMENT DE L'OBSTACLE

Savoir s'entendre, c'est peut-être d'abord savoir entendre ce qui nous sépare. La langue est à ce titre un vecteur essentiel. Comme on l'a vu, c'est en elle et par elle que sont véhiculées les visions du monde propres à chaque peuple.

Dès lors, vouloir supprimer l'obstacle, ce serait supprimer des différences (et l'effort pour comprendre des différences) sans lesquelles il n'y aurait pas d'échange de culture et, finalement d'entente !
L'exemple de l'universalisation de l'anglais l'atteste, puisqu'elle s'accompagne d'une uniformisation de la culture.

La légende de la Tour de Babel présente d'ailleurs l'uniformisation des langues comme un péril plutôt qu'un avantage.

IV - DES REFERENCES UTILES

- La Bible, Genèse 11, 1, 7
- Leibniz, L'harmonie des signes
- Saussure, Cours de linguistique générale
- Chomsky, Linguistique cartésienne

V - LES FAUSSES PISTES

Pas vraiment de fausses pistes, mais il fallait être attentif au double sens du mot entente pour dépasser le constat immédiat.

VI - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR

Sujet apparemment facile, mais il était difficile d'en construire la problématique. Il fallait penser à évoquer le rapport langue/langage et le rapport langue/pensée/culture.